L'Impossible Monsieur Bébé : vers une épopée décalée
- RG
- 4 nov. 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 mai
Le texte que vous vous apprêtez à lire n'est à proprement parler ni une critique ni même un article, c'est ce que j'appelle un « court-lettrage », un petit néologisme que je me suis autorisée à formuler pour désigner un petit écrit véhiculant une brève opinion brute, imparfaite et quelque peu déconstruite sur un film. S'affranchissant de toutes contraintes ordinairement imposées par les conventions journalistiques, ce format me permet d'employer la première personne et ainsi de m'exprimer plus librement, simplement, personnellement et même familièrement. Bonne lecture !
Le titre de screwball comedy n’a sans doute jamais été aussi bien honoré que par L’Impossible Monsieur Bébé (1938) de Howard Hawks et c’est peu dire.
La recette est là : un léopard dans la nature, une clavicule de brontosaure perdue, une femme complètement déjantée et un homme dépassé. On assiste bien à l’incarnation du loufoque avec cette épopée de l’absurde et du burlesque où l’on crie et où l’on court partout et de toutes parts à la recherche du sens. Mais rien ne sert de chasser quelque signification intellectuelle ou subtile interprétation en toile de fond (il faut apprécier au premier degré) ; ici pas de métaphore poétique ni de bling esthétique, c’est du gag pur et dur dans toute sa splendeur qui triomphe sous le comique d’accumulation… jusqu’à par moments - et on le déplore - l’explosion. Si le film est judicieusement écrit et réalisé à bien des aspects, la saturation des dialogues de sourds pour chercher à qui criera le plus fort est parfois difficilement soutenable. Ces moments de surenchère des répliques gaguesques et de quiproquos qui tournent en rond, cette éruption sonore, font regrettablement patiner l’histoire et je dois le dire, font un peu mal aux oreilles. Les éclats de voix couplés à l’incessant aboiement de ce chien insupportable que l’on appelle un nombre incalculable de fois, eh bien… on finit par en avoir plein la tête. Mais les lourdeurs et quelques longueurs au demeurant sont contrebalancées par une seconde moitié du film qui plonge allègrement en plein dans l’humour. Des répétitions, des chutes et quelques cascades périlleuses auxquelles on ne s’attend pas ! Ce n’est pas tellement une romance, mais plutôt une aventure qui concourt au n’importe quoi.
Le clou du spectacle, reconnaissons-le, c’est cette Katharine Hepburn qui est époustouflante, en forme olympique. On est bien loin de la femme fatale - quel plaisir de se débarrasser des stéréotypes ! Son jeu d’acteur est tellement impressionnant ; je n’avais personnellement rien vu de tel auparavant. Clown féminin, elle est pour ainsi dire hors-sol, complètement timbrée oserait-on, et pourtant si enthousiaste et entreprenante, avec un caractère bien trempé ; c’est si jouissif de la voir s’agiter dans toutes ces activités, inversant le paradigme masculin-féminin hollywoodien habituel et reléguant la passivité secondaire à la figure de l’homme. On a l’impression de la voir s’amuser comme une folle dans son rôle. Ses yeux qui pétillent de malice, sa silhouette qui s’élance à toute allure et se casse la figure. Son rire après sa chute. Du ridicule elle n’a pas peur et vole la vedette à un Cary Grant toujours excellent (il reste pour l’instant indétrônable dans Arsenic et Vieilles Dentelles de Frank Capra, film dans lequel il est au sommet de l’art du comique et demeure déchaîné, son visage se tordant de fantastiques mimiques) homme qui s’incline face à la folie et qui se fait mener par le bout du nez, aussi obnubilé que charmé. Ce dernier ne demeure toutefois pas en reste.
Ce pas-de-deux hilarant témoigne d’une vraie alchimie pour ce brillant duo de comparses qui crève l’écran. Le tournage a dû être inoubliable, jubilatoire. Léger, drôle, plaisant mais il est vrai, un peu bruyant. Une épopée décalée à regarder !
Photo couverture ©Image du film. Tous les droits appartiennent et reviennent aux auteurs du film.
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