Running on Empty, une course crève-coeur
- RG
- 3 nov. 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 mai
Le texte que vous vous apprêtez à lire n'est à proprement parler ni une critique ni même un article, c'est ce que j'appelle un « court-lettrage », un petit néologisme que je me suis autorisée à formuler pour désigner un petit écrit véhiculant une brève opinion brute, imparfaite et quelque peu déconstruite sur un film. S'affranchissant de toutes contraintes ordinairement imposées par les conventions journalistiques, ce format me permet d'employer la première personne et ainsi de m'exprimer plus librement, simplement, personnellement et même familièrement. Bonne lecture !
Running on empty (titré A bout de course en français) signé Sidney Lumet (et scénarisé par Naomi Foner Gyllenhaal qui n'est personne d'autre que la mère de Maggie et Jake Gyllenhaal ! elle a par ailleurs été nommée aux Oscars pour ce même film) a certainement tout pour séduire : course légèrement crève-cœur, il vous laisse le souffle coupé à la ligne d’arrivée.
L'oeuvre retrace la fuite perpétuelle d’une famille en cavale dont les parents, considérés comme criminels, ont fait sauter un laboratoire qui fabriquait du napalm pour la guerre du Vietnam - un acte revendiqué comme humaniste et pacifiste. Poursuivis par le FBI, la mère, le père et les deux fils sans cesse sur le qui-vive ne parviennent jamais à s’établir durablement dans la ville élue : chaque fois que leur tranquillité est troublée par le soupçon, leur van sillonne le pays en quête d’un endroit où recommencer une nouvelle vie. Nouveaux noms, nouveaux visages, nouvelles écoles, nouveaux métiers. Cette vie de vagabonds n’a rien de poétique, ce loin d'être une bohème rimbaldienne, c’est une incessante échappée réduisant à néant tout espoir de durabilité, de sérénité et de paix. Puisque tout est temporaire, l’équilibre de la famille est fragile. Le père (Judd Hirsch), rustre, est le pilier pas si solide du groupe. Quant à la mère (Christine Lahti), elle est rongée par le regret et la culpabilité des dégâts collatéraux causés tandis que Danny (River Phoenix) trouve refuge dans la musique et le petit frère (Jonas Abry) s’interroge du haut de son bas âge. La recherche de l’identité étant primordiale dans le film, on en vient à oublier les véritables prénoms des personnages. Reconstruire, est-ce repousser son existence ? À force de se dérober, c’est leur propre vie qu’ils voient volée.
On retrouve, représenté avec justesse, le thème de la justice, cher au cœur de Sidney Lumet (voir 12 hommes en colère et Le Verdict). Ce dernier expose le dilemme du soi et d’autrui, abordant la remise en question de l’autorité (d'abord gouvernementale puis parentale) questionnant la distinction de ce qui est juste et de ce qui est légal car en effet, ce qui semble juste pour le monde n’est pas forcément juste pour soi. Un tel sacrifice se paie au prix de sa vie. Alors quand Danny commence à être en prise avec le monde et à toucher du doigt ce que devrait être la vie normale d’un adolescent, l’équilibre familial déjà branlant s’écroule avec fracas. D’autant que le jeune homme n’a rien de banal : génie aux doigts de fée, s’il se censure verbalement par peur de se dévoiler et de s’attacher à ce qu’il sait qu'il quittera, c’est son jeu au piano qui s’exprime à sa place. La voix des cordes frappées vaut comme mille éclats de cordes vocales réprimés. Prodige angélique, son personnage semble à bien des égards trouver des échos biographiques avec la vie de River Phoenix, jeune étoile montante du cinéma disparue bien trop tôt, lui aussi ayant été élevé dans des circonstances chaotiques, mais qui n’a jamais cessé d’aimer la musique.
Seuls contre tous, mais ensemble. Mais ne se sent-on pas terriblement seul quand on ne vit que pour le bien commun ? S’oublier. Se soustraire à toutes les épreuves dans l’intérêt de la survie du groupe. Or, grandir c’est tracer son propre chemin, faire ses propres choix et vivre pour soi. Faire entendre sa voix, trouver sa voie. Mais pour trouver, encore faudrait-il arrêter de fuir avant que tout commence véritablement. Apprendre à marcher avant de courir. Partir à point.
On retient de très belles séquences qui nous laissent émus de tristesse et de tendresse. River a la beauté d'un ange, il saura vous convaincre de regarder le film bien mieux que moi et avec un peu de chance, vous serez aussi enchantés par l’intrigue, tout comme je le fus.
Photo couverture ©Affiche du film. Tous les droits appartiennent et reviennent aux auteurs.
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